Majorité sexuelle : l’intérêt de l’enfant d’abord

Chez ECPAT Belgique, que pense-t-on de l’abaissement de l’âge de la majorité sexuelle?

Nous relayons l’opinion de la Coordination des ONG pour les droits de l’enfant, dont ECPAT Belgique est membre, qui a publié une carte blanche à ce sujet.

 

N’est-il pas paradoxal de se dire qu’un jeune de 14 ans est en mesure de saisir ce qu’implique la notion de consentement, alors que les adultes soulignent à quel point cette notion peut s’avérer complexe ?

Ce 20 juillet, le Conseil des ministres a approuvé l’avant-projet de réforme du deuxième livre du Code pénal. Il contient notamment une modification de l’article établissant l’âge de la majorité sexuelle. Jusqu’alors, la législation belge faisait une distinction entre trois tranches d’âge (NdlR : c’est ce qui sera nommé « la législation actuelle » dans la suite du texte).

Une relation sexuelle avec un enfant de moins de 14 ans constitue toujours un viol, qu’il y ait consentement ou non.

A partir de 16 ans, âge de la majorité sexuelle, le jeune peut légalement avoir des relations sexuelles; il est présumé y consentir de manière éclairée.

Les choses sont moins claires pour la catégorie intermédiaire des 14-16 ans. En effet, si l’adolescent est reconnu consentant, le rapport sexuel n’est pas considéré comme un viol mais comme un attentat à la pudeur. Cette catégorie a été volontairement instaurée afin de permettre aux magistrats d’opérer avec flexibilité face à des jeunes en construction.

Le changement

Il semble que l’avant-projet ramène la majorité sexuelle à 16 ans mais dépénalise les actes sexuels entre mineurs à partir de 14 ans s’il y a consentement. Si tel est le cas, à l’avenir, un jeune âgé d’au moins 14 ans pourra donner son consentement éclairé pour des relations sexuelles (pourvu que la différence d’âge avec le partenaire soit de maximum 5 ans et n’ait pas lieu avec un adulte membre de sa famille ou ayant une autorité sur lui).

Nous approuvons la tentative de clarifier le flou actuel pour la catégorie des 14-16 ans. Mais il est fondamental que les principaux intéressés puissent donner leur avis sur cette réforme, puisqu’elle les concerne directement. Il est essentiel de reconnaître les relations intimes respectueuses pour lesquelles le consentement est clair et explicite. Mais attention aux risques liés à un âge auquel la maturité et le développement de soi sont très inconstants d’un individu à l’autre.

Un besoin de clarification

Les catégories juridiques actuelles manquent de cohérence, d’autant plus que les contours de la notion d’attentat à la pudeur sont particulièrement imprécis (pas de définition légale). Néanmoins, la flexibilité juridique actuelle est appréciable puisqu’elle concerne la période de l’adolescence, faite de changements et de recherche des limites. Elle donne une marge de manœuvre au cas par cas.

D’autre part, la volonté de dépénaliser les relations consentantes entre deux adolescents de 14 ans ou plus est bienvenue. On notera toutefois que, désormais, une personne de 19 ans pourrait librement avoir des rapports avec un jeune de 14 ans mais que deux adolescents de 13 ans pourraient être pénalisés pour avoir eu une relation sexuelle consentie.

Enfin, il est important de réfléchir à cette tendance d’adaptation de la loi à la société, qui confronte les jeunes de plus en plus tôt à la sexualité, notamment par le biais des médias. Contrairement aux idées reçues, il semble que l’âge des premières relations sexuelles soit stable depuis plus d’une trentaine d’années : en moyenne 16,5 ans en Belgique.

L’intérêt de l’enfant

La question de la majorité sexuelle est bien plus complexe qu’un changement de législation. Elle entremêle des questions juridiques, psychologiques et sociales. C’est pourquoi il est essentiel de recentrer le débat sur la notion de consentement éclairé (maturité, capacités de discernement, conditions du rapport sexuel…)

L’adolescence est une période marquée par la recherche de soi, la construction, et donc par la vulnérabilité, avec des jeux de séduction mais aussi des risques d’emprise.

Dans un sens, la loi actuelle protège les jeunes de moins de 16 ans puisqu’elle présume de leur non-consentement. Si ce n’était pas le cas, un adolescent de plus de 14 ans ayant subi une relation sexuelle non consentie devrait apporter les preuves d’absence de consentement en cas de plainte.

Par ailleurs, n’est-il pas paradoxal de se dire qu’un jeune de 14 ans est en mesure de saisir ce qu’implique la notion de consentement alors que les adultes, y compris les professionnels, soulignent à quel point dans les faits, cette notion peut s’avérer complexe ?

Un difficile équilibre

En d’autres mots, il s’agit de trouver le difficile équilibre entre éviter les abus d’une part et, d’autre part, garantir un droit à l’intimité, aux expériences nouvelles et respectueuses et à l’appropriation du consentement éclairé.

Le projet de loi, pour ce que l’on en sait, semble aller en ce sens. En effet, il permettrait d’assurer une certaine protection aux jeunes mais, en même temps, de respecter leur consentement lorsqu’il est donné, et d’éviter que les parents d’un adolescent de plus de 14 ans puissent abusivement utiliser la justice comme moyen de s’opposer à une relation qu’ils n’approuvent pas.

En conclusion, modifier la loi nous semble nécessaire. Néanmoins, il est essentiel de veiller à ne pas sacrifier l’intérêt supérieur de l’enfant sur l’autel de la simplification juridique. Pour éviter cela, tous les professionnels rappellent qu’il est essentiel de mettre en place une information à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) généralisée et dispensée le plus tôt possible et tout au long de la scolarité par des professionnels spécialisés extérieurs à l’établissement (compétence des Communautés).

Dans un contexte plus large, il est important de former les jeunes aux relations affectives, à la notion de respect, mais aussi aux risques liés aux médias (harcèlement en ligne, pornographie…). Par ailleurs, aborder les questions de sexualité non comme un danger mais également comme une source de plaisir et de développement, dans le respect de soi et d’autrui, est une nécessité.