Petit Paul une polémique fondée ?  

 

Source image: http://www.lefigaro.fr/bd/2018/09/25/03014-20180925ARTFIG00139-taxee-de-pedopornographie-la-bd-petit-paul-de-bastien-vives-retiree-des-rayons.php

 

Depuis plusieurs semaines, les critiques fusent autour de Petit Paul, une BD créée par Bastien Vivès. Cet ouvrage pour adultes raconte l’histoire d’un garçon de 10 ans dont la particularité est d’être doté d’un sexe démesuré. Bien qu’il ne soit pas en âge d’avoir des rapports sexuels, le personnage principal “se retrouve systématiquement dans des situations impossibles et embarrassantes”.

Parce qu’elle illustre des actes sexuels extrêmement explicites entre un garçon mineur et des femmes adultes, cette BD a choqué, à raison, de nombreux lecteurs. Immédiatement, une pétition a été lancée pour la retirer des ventes. Elle précise : “le livre est censé être humoristique, et il nous paraît délicat de rire d’une scène faisant l’apologie de l’abus d’enfant, un sujet malheureusement bien trop actuel.”

Notons qu’entretemps, deux librairies françaises de renom (Cultura et Gilbert Joseph) ont d’ores et déjà décidé de ne plus vendre l’ouvrage. Ce qui n’est pas le cas de la grande distribution comme Amazon…  

S’agit-il d’un ouvrage illégal ?

Oui ! Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, ratifié par la France, interdit la vente et la consultation des matériels représentants l’abus sexuels d’enfants*, définis comme “toute représentation, par quelque moyen que ce soit, d’un enfant s’adonnant à des activités sexuelles explicites”.

Qui oserait prétendre que la BD Petit Paul échappe à cette catégorie ? Elle qui montre, entre autres, l’enfant forcé de faire à cunnilingus à son institutrice ou une position « 69 » avec sa prof de judo ?

Face aux accusations, Glénat, la maison d’édition de l’ouvrage, se défend: « Cette œuvre de fiction n’a jamais eu pour vocation de dédramatiser, favoriser ou légitimer l’abus de mineurs de quelque manière que ce soit. Il s’agit d’une caricature dont le dessin, volontairement grotesque et outrancier dans ses proportions, ne laisse planer aucun doute quant à la nature totalement irréaliste du personnage et de son environnement ».  

N’est-il pas cynique ou naïf de juger que le caractère « grotesque » de la BD ou la nature « totalement irréaliste » du personnage ne « dédramatisent » ou ne « légitiment » pas l’abus sexuel d’enfants ?

Et hypocrite de s’étonner de la polémique alors que la préfacière et la directrice de collection de Petit Paul n’est autre que Céline Tran, alias Katsuni, une ancienne actrice pornographique.

 N’en sous-estimons pas l’impact

Outre le caractère illégal de l’ouvrage, représenter un enfant dans des actes sexuels avec une personne majeure n’est jamais anodin. Cela contribue à normaliser le fait qu’un mineur puisse être le partenaire sexuel d’un adulte.

Et si l’enfant ne résiste pas, comme Petit Paul ? Présumer du consentement d’un enfant, parce qu’il n’oppose pas résistance, c’est ignorer des années de recherches en matière de traumatologie. Ces dernières montrent que l’absence de réaction d’une victime d’abus sexuel peut résulter de l’état de paralysie dans laquelle elle se trouve. Cet « apparent consentement » est en fait un réflexe de survie !

En dépeignant des relations sexuelles entre un enfant et un adulte, Petit Paul normalise ces relations qui ne devraient pas être, balayant le fait qu’un enfant de son âge est légalement considéré comme incapable de donner son consentement à ces actes. Cela est extrêmement trompeur et dangereux.

De plus, en dotant son héros de 10 ans d’un sexe démesuré, l’auteur cautionne et renforce l’hypersexualisation ambiante de notre société, par laquelle les mineurs sont des objets sexuels potentiels. De là à penser que l’enfant cherche, voire provoque l’acte sexuel, il n’y a qu’un pas que certains franchissent allègrement. Il ne faut donc pas sous-estimer l’impact que peuvent avoir des ouvrages de fiction au caractère apparemment « grotesque » et « irréaliste » du type Petit Paul.  

 

*ECPAT Belgique évite d’utiliser le terme « pédopornographie », qui pourrait laisser croire que les actes sont consentis en les banalisant. Nous lui préférons le terme « matériels représentant l’abus sexuel d’enfants », conformément aux Luxembourg Guidelines.