Une analyse juridique de la législation sur la protection de l’enfance en Belgique
Le dernier rapport d’ECPAT International s’intéresse à l’exploitation sexuelle des garçons en Belgique en analysant la législation actuelle en matière de protection de l’enfance dans le pays. Il révèle comment les lacunes de certaines lois belges exposent les enfants, y compris les garçons, au risque d’exploitation sexuelle.
C’est le sixième rapport d’ECPAT sous l’Initiative Globale sur les Garçons, suivant les rapports de Pakistan, Hongrie, Thaïlande, Corée du Sud, et Sri Lanka, qui identifie les lacunes dans la législation belge et fournit des recommandations pour son amélioration. Avec ECPAT Belgium, nous avons mené des recherches révolutionnaires sur l’exploitation sexuelle des garçons en Belgique en 2021.
Notre recherche comprenait une analyse complète du cadre juridique belge qui traite de divers crimes liés à l’exploitation et à l’abus sexuels des enfants, en mettant l’accent sur les garçons. L’analyse législative a utilisé une liste de contrôle standard comprenant environ 120 points et sous-points, créée par ECPAT International pour l’Initiative Globale sur les Garçons.
Comment la législation belge criminalise-t-elle l’exploitation sexuelle des enfants ?
Le Code pénal belge contient plusieurs dispositions qui criminalisent la pénétration sexuelle des mineurs de moins de 16 ans.
Il est encourageant de constater que ces dispositions sont neutres en termes de genre, ce qui signifie que les garçons et les filles bénéficieront des mêmes droits et de la même protection. Toutefois, les filles bénéficient d’une protection et d’une attention supplémentaires prévues par plusieurs traités internationaux que la Belgique a ratifiés, comme la Convention d’Istanbul.
La loi belge stipule que si les enfants âgés de 14 à 16 ans peuvent consentir à des rapports sexuels, ceux-ci seront tout de même criminalisés, bien que sous une charge plus légère. Cette loi pose problème dans les cas de non-consentement, tels que l’exploitation et l’abus sexuels des enfants, où la charge de la preuve de l’absence de consentement incombe à l’enfant.
Le transfert de la charge de la preuve sur la victime peut être très préjudiciable et conduire à une revictimisation de l’enfant, exacerbant son traumatisme, et peut le dissuader de porter plainte par crainte de représailles ou de ne pas être cru.
La traite – la forme la plus documentée d’exploitation sexuelle des enfants en Belgique
Les garçons peuvent être atteints (grooming, en anglais) par le biais d’un large éventail de plateformes en personne et en ligne, et faire l’objet de traite ou être vendus à des fins d’exploitation sexuelle.
Le rapport annuel 2020 de Myria sur la traite et le trafic d’êtres humains a révélé que plus de 300 infractions de traite des êtres humains ont été enregistrées par la police belge en 2019, dont plus de la moitié à des fins d’exploitation sexuelle [1].
Bien que la traite soit la forme d’exploitation sexuelle des enfants la plus documentée en Belgique, il n’existe pas de base de données centralisée fournissant des données désagrégées et comparables – en particulier par sexe. Ces données sont essentielles pour comprendre combien de garçons et de filles sont touchés par les problèmes de traite d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle, et quelles ressources doivent être allouées pour mieux prévenir et répondre à ces problèmes dans tout le pays.
La législation nationale belge criminalise effectivement le trafic d’enfants à des fins sexuelles, conformément aux normes internationales. Cependant, elle n’interdit pas la vente d’enfants à des fins sexuelles, ce qui rend les enfants particulièrement vulnérables dans de telles situations.
Les lois sur le matériel d’abus sexuel d’enfants en ligne sont-elles suffisamment complètes ?
L’exploitation sexuelle des garçons ne se limite pas à l’environnement physique – ils peuvent également être exploités dans l’environnement en ligne pour la production de matériel d’abus sexuel d’enfants.
Une analyse menée en 2018 par ECPAT et Interpol a analysé un million d’articles représentant des abus sexuels et l’exploitation d’enfants et a révélé que lorsque le sexe de la victime était enregistré, 30,5% étaient des garçons [2].
Les lois actuelles en Belgique sont complètes et criminalisent diverses infractions liées à ce crime, allant de la production à la possession. Cependant, la définition de ce qui constitue le matériel d’abus sexuel d’enfants en ligne ne couvre que les matériels visuels tels que les images ou les vidéos et exclut les matériels non visuels, tels que ceux qui se trouvent sous forme écrite ou audio.
Quels sont les services de soutien disponibles ?
Des lignes d’assistance téléphonique aux centres de soins, de nombreux services de soutien sont disponibles en Belgique et sont gérés par différentes organisations.
On estime que 90% des victimes admises dans les cinq centres de soins pour victimes d’agressions sexuelles en Belgique sont des femmes. Bien que les hommes représentent une proportion relativement faible de ces victimes, les données sont probablement faussées en raison de problèmes tels que la stigmatisation sociale et les normes de genre, qui contribuent à la sous-déclaration des crimes sexuels par les victimes masculines.
Des lignes d’assistance téléphonique sont également disponibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 dans les trois langues principales de la Belgique et sont gérées par les différentes communautés linguistiques.
Cependant, le fait que de nombreuses parties soient impliquées dans la protection des enfants victimes de traite ou d’exploitation sexuelle peut avoir des effets néfastes. L’absence de partage systématique des informations constitue un obstacle important à l’identification et au soutien des victimes potentielles.
De quoi ont besoin les garçons en Belgique ?
Les données contenues dans le rapport sur les garçons en Belgique révèlent qu’en dépit de l’existence de lois de protection de l’enfance relativement solides, certaines lacunes dans la législation doivent être comblées afin de protéger les enfants de la manière la plus complète possible.
Voici quelques-unes des recommandations formulées dans ce rapport :
– Supprimer la charge de la preuve de l’absence de consentement pour les enfants âgés de 14 à 18 ans ;
– Renforcer les dispositions visant à ériger en infraction pénale toutes les formes d’exploitation sexuelle des enfants en ligne, y compris les formes non visuelles d’exploitation sexuelle des enfants ;
– Les futurs centres de prise en charge devraient être établis selon une approche sensible au genre qui tienne compte des manifestations de l’exploitation sexuelle des garçons et des obstacles spécifiques auxquels ils sont confrontés dans l’accès aux soins et dans le processus de récupération.
Lisez le rapport complet ci-dessous:
[1] Myria: 2020 Annual Report
[2] ECPAT and Interpol: Towards a global indicator on unidentified victims in child sexual exploitation material